Les raisons pour lesquelles certains parents adoptent une éducation permissive
Un enfant qui décide de l’heure du coucher et choisit son propre menu au dîner ne fait pas toujours face à une absence d’encadrement. Certains parents optent délibérément pour une approche sans règles strictes, en réponse à des modèles éducatifs jugés trop contraignants ou à la volonté d’éviter les conflits.
Cette démarche s’appuie souvent sur la conviction qu’une liberté accrue favorise l’autonomie et la créativité. Pourtant, ce choix soulève des interrogations sur l’équilibre entre soutien et limites dans la construction de l’enfant.
Plan de l'article
Comprendre la parentalité permissive : origines, principes et idées reçues
Le style parental permissif intrigue autant qu’il divise. Dans les années 1960, la psychologue Diana Baumrind en a posé les bases : beaucoup d’affection, très peu de cadre. Ici, les règles semblent avoir fondu sous la chaleur de l’écoute. L’enfant exprime, le parent répond, mais sans forcément fixer de limites. Le parent se glisse parfois dans la peau d’un allié ou d’un ami, privilégiant l’écoute émotionnelle et cherchant à éviter tout affrontement. Face au moindre caprice, il cède plus souvent qu’à son tour, quitte à laisser de côté la cohérence et l’application des règles.
On confond souvent parentalité permissive et éducation bienveillante ou éducation positive. Pourtant, la différence saute aux yeux. Les défenseurs de l’éducation positive, comme Isabelle Filliozat ou Catherine Gueguen, insistent sur la nécessité d’associer bienveillance et cadre solide. Chez eux, l’enfant est entendu, ses émotions reconnues, mais il connaît aussi les frontières à ne pas franchir. Tout l’inverse du style autoritaire, qui place la discipline au-dessus de la chaleur affective, quitte à étouffer l’expression personnelle.
Les opinions tranchées ne manquent pas. Pour certains, la parentalité permissive incarne la modernité, pour d’autres elle incarne le renoncement. Pourtant, la réalité s’inscrit dans une zone grise : une société où le rapport à l’autorité se redéfinit, où les familles cherchent de nouveaux repères. Des auteurs comme Jane Nelsen, Faber et Mazlish ou Thomas Gordon proposent d’ailleurs des alternatives centrées sur la communication et la responsabilité partagée, loin des extrêmes.
Pourquoi certains parents choisissent-ils une éducation permissive ?
Le recours à l’éducation permissive ne résulte pas d’un simple effet de mode. Plusieurs éléments se croisent et s’entremêlent, allant du vécu familial aux pressions sociales, en passant par l’état psychologique du parent.
Nombreux sont ceux qui, ayant grandi dans un univers marqué par la rigidité ou la discipline excessive, rejettent aujourd’hui tout ce qui ressemble à une autorité imposée. Le désir de tourner la page se traduit souvent par une recherche de proximité et d’écoute, même si cela signifie relâcher la tenue du cadre. D’autres, accablés par la culpabilité, la fatigue ou l’isolement, finissent par lâcher prise sur les règles pour préserver le calme à la maison ou éviter les affrontements.
Le burn-out parental s’impose aussi comme une réalité. Quand la charge mentale déborde, la constance éducative devient une montagne. Le moindre caprice peut alors sembler plus facile à accepter qu’un énième bras de fer. Le manque de relais, l’absence de ressources éducatives ou le regard critique de l’entourage n’arrangent rien.
Voici plusieurs raisons qui peuvent pousser vers ce choix éducatif :
- Un manque de repères éducatifs issus des générations précédentes
- La peur de reproduire un schéma autoritaire ou d’imposer des frustrations jugées inutiles
- La volonté de préserver le lien affectif en évitant les conflits
- L’épuisement ou l’isolement qui rendent toute fermeté difficile à maintenir
La parentalité permissive se révèle alors comme une tentative d’équilibrer bienveillance et cadre, mais l’équilibre reste fragile, sujet à de nombreux tiraillements.

Entre liberté et limites : quelles conséquences pour les enfants et la famille ?
Opter pour une éducation permissive, c’est offrir un climat de confiance et de chaleur, mais aussi risquer d’avancer sans boussole. L’absence de règles claires complique la tâche de l’enfant, qui peine à cerner jusqu’où il peut aller. Les recherches menées par Diana Baumrind l’ont montré : ce style éducatif expose à un manque d’autodiscipline et à des difficultés d’autorégulation émotionnelle. Quand tout désir est satisfait sans effort, la frustration, inévitable ailleurs, devient difficile à gérer, que ce soit à l’école ou dans la vie sociale.
Le problème dépasse la simple question de “l’enfant roi”. À terme, l’enfant peut rencontrer des obstacles d’adaptation sociale. Sans expérience de la gestion des conflits ou des règles communes, il peut développer une relation compliquée à toute forme d’autorité. La scolarité s’en ressent parfois, car l’attention, la persévérance et la capacité à différer ses envies se construisent dans un cadre régulier. À l’adolescence, le besoin de tester les limites s’intensifie, et les comportements à risque peuvent se multiplier.
La dynamique familiale, elle aussi, s’en trouve affectée. Le parent permissif, malgré sa bienveillance, finit souvent par se sentir dépassé et fatigué. La relation, aussi fusionnelle soit-elle, ne remplace pas la nécessité d’un cadre. L’incertitude s’installe, parfois accompagnée de tensions ou de rivalités entre frères et sœurs. Les praticiens comme Isabelle Filliozat ou Catherine Gueguen le rappellent : un développement harmonieux passe par un juste dosage entre affection, cadre et communication ouverte. C’est dans ce balancement que la famille trouve, ou retrouve, son équilibre.
Au fil des choix éducatifs, la frontière entre liberté et cadre se dessine, mouvante, jamais figée. Et si la vraie question, finalement, était de savoir comment chaque parent, chaque enfant, invente ses propres repères pour grandir ensemble ?